Le voyage avait duré un jour ou deux. Rapide sur les routes bien entretenues des terres des Hommes, la caravane, qui était partie peu après midi de la cité impériale, avait rejoint la bourgade de Chyrash. Les routes bien entretenues du royaume du centre étaient noires des monde, chose étrange, du fait de la guerre qui se profilait aux frontières. Les hommes semblaient quand même décidé à visiter leurs parents dans les autres villes, ou simplement observer la tradition en rejoignant d'autres villes et participer aux réjouissances de l'Erastide, fêtant ainsi le retour du printemps. Cette atmosphère de fièvre festive était aussi présente dans la bourgade de Cyrash, qui s'était parée de mille atours, attendant impatiamment la cérémonie et le jour des festivités.

Alors que la caravane s'arrêtait dans l'une de ces auberges aux écuries assez grandes pour recevoir les carrioles et les montures des grandes équipées marchandes qui traversaient le royaume des Hommes. La plupart de la troupe de marchands, de travailleurs libres et autres passagers de la caravane ne tardèrent pas à s'attabler, voulant faire bombance pour goûter avant l'heure les joies de la fête et le sommeil du ventre plein. Le lendemain, la ville sur pattes repartirait à l'aube, cherchant à rejoindre la capitale ombre avant la tombée de la nuit.

Comme Oc' était sans le sou, il vaqua aux abords de la ville, cherchant, à travers les champs nus et autres jachère quelque fille prête à partager sa maigre pitance ou un marchand trop lourdaud et trop riche pour détecter la disparition d'une tranche de son repas. Il vagabonda en vain, car il ne trouva rien, sinon un bien étrange oiseau planté au milieu d'un champ. Allongé dans l'herbe haute, il semblait mort, et cela fit étinceler les yeux du jeune voleur, qui comptait lui aussi se reposer le ventre plein. Il prit l'animal entre ses mains et l'observa un instant.

[i]"Un corbeau. Un bien gros corbeau. Et blanc, avec ça. A croire que les dieux veulent mon bonh..."[/i], le bec aiguisé du corbeau blanc interrompit sa déclaration. Le corbeau, s'étant animé soudain, s'était jeté au visage du jeune homme, qui avait réussi, en se jetant à terre à éviter bec et serres de l'animal enragé. Il fallut un moment au petit acrobate pour maîtriser le fauve emplumé.

"Holà, tu m'as l'air aussi affamé que moi ! Quel est ton nom, le corbac ?"[/i] interrogea Oc', qui n'eut pour réponse que quelques croassements sauvages et des coups de becs qui claquèrent dans le vide. Le secouant et le maintenant fortement, il évita les attaques désespérées du corbeau et l'examina encore.
[i]"Tout compte fait, tu m'as l'air trop maigre pour que je te mange. Je t'appellerai Munin, parce que tu me rappelles ce corbeau des légendes. Il lâcha alors l'oiseau blanc, et s'en alla. Si tu le souhaites, tu peux venir avec moi, je trouverai sûrement de la nourriture."

Le corbeau arrêta d'un coup son manège, et sautilla derrière le voleur.