« Vous allez bien ?! »

Paniqué, le petit page observait avec inquiétude ce grand bonhomme qui venait de dévaler l'escalier dans un roulé-boulé dangereux. La tête contre le sol, les jambes curieusement posées dans les marches, le postérieur douloureux et le bras droit engourdi, au moins Aleald savait qu'il n'était pas mort. Mais à entendre le ton du page, il devinait que sa chute avait dû être spectaculaire. Malgré son picotement au coccyx, il bougea et se remit debout, non sans mal. Devant lui, le page semblait être sur le qui-vive, guettant le moment où ce grand bonhomme tomberait dans les pommes, prêt à laisser tomber tout ce qu'il portait pour se jeter sur le conseiller et le rattraper avant qu'il heurte le sol. Aleald tenta de le rassurer avec un sourire confiant.

« Je vais très bien. Et vous ? »

Le visage inquiet du page se transforma en une moue interloquée. Il ne s'attendait sûrement pas à une réponse aussi légère et pensa que le grand bonhomme avait dû sacrément se cogner la tête. Mais la crainte reprit vite le dessus et agita le petit page, qui commença à regarder Aleald de haut en bas pour vérifier qu'il n'était pas blessé. Le conseiller lui lança un sourire rassurant pour tenter de lui faire comprendre que c'était inutile. Après tout, il était tombé plus d'une fois dans sa vie et cette chute là n'était pas plus grave que les autres. Son corps était habitué à pire, il le savait.

« Vous êtes sûr que vous allez bien ? 
- Mais oui.
- Parce que vous venez de faire une sacrée chute... »

Aleald se retourna pour considérer l'escalier qu'il venait de dégringoler. A la vue des marches de pierres solides et dangereuses, il fut pris d'un élan d'affection pour son corps et remercia silencieusement Mani de l'avoir fait aussi solide. Sans s'en rendre compte, Aleald s'était mis à afficher un grand sourire béat. Face à lui, le page sembla définitivement penser qu'il était fou, il haussa les épaules et parti en direction de la petite arène. C'est seulement à cet instant là qu'Aleald comprit à quel étage de la Tour il avait atterrit. Bien sûr, les armes que portaient le page dans ses bras auraient dû lui mettre la puce à l'oreille, mais après avoir roulé dans tout un escalier de pierre, il avait le droit d'être un peu sonné et peu réceptif à l'entourage...

Un rapide coup d'œil autour de lui, et il comprit qu'il était arrivé juste devant une des arènes. Au moins, sa chute n'avait pas été vaine : il était arrivé à bon port. Car Aleald n'avait pas l'habitude de se promener dans cette partie du Bastion, il était là pour une raison bien précise : trouver Nillviem. Pourquoi ? Ça, c'était son affaire. Après avoir cherché dans ses appartements, dans la salle commune, dans la salle de conseil -sans succès- il lui restait l'option de l'académie.

Époussetant légèrement ses vêtements, Aleald s'avança timidement vers l'entrée de l'arène. Pour lui, il entrait dans un monde totalement opposé à sa personne, un monde de petits hommes virils et de femmes entraînés au combat avec des armes tranchantes, coupantes, dangereuses. Des combats. Le mots raisonna dans la tête du conseiller. Il admirait l'aisance des soldats pour se battre. Aleald admirait très facilement les combattants car pour lui, tenir une arme était simple, s'en servir correctement était du domaine de l'impossible. Aleald se jura de ne toucher à rien alors qu'il posait un pied sur le sol de l'arène. Là, il vit plusieurs soldats occupés à s'entrainer, par groupes, dispersés dans l'arène. Le conseiller lança un regard circulaire et observa les hommes présents, cherchant le prince des yeux. Mais n'ayant plus que cette mission en tête, il oublia qu'à seulement quelques mètres de là s'entraînaient deux druides au combat et se rapprochaient dangereusement de lui sans s'en apercevoir.