À l'aube
Cinquième Jour
Huitième Semaine
An 835
Les premiers rayons du soleil se frayaient un chemin entre les branches des arbres lointains. La chambre de la Haute Initiée était baignée de cette douce lueur, laissant une impression feutrée.
Recroquevillée sur elle-même, Cyradis, le visage crispé, s’accrochait fermement au coin du drap qui avait pourtant glissé à terre, laissant les longues jambes de l’amazone à l’air libre. Ses sourcils légèrement froncés donnaient une expression inhabituelle, dure, de souffrance. Comme si ses songes n’étaient pas aussi doux qu'à l'accoutumée.
Une ombre traversa la chambre d’un pas léger et silencieux. Ce visiteur grimpa avec toute la souplesse nécessaire sur le lit pour ne pas créer trop de mouvement, son visage s’approcha alors de celui de Cyradis.
« Meyr… Tu me chatouilles… »Dans sa voix ensommeillée persistait douceur et profondeur, mais aussi des teintes si enfantines que le tableau en devenait attendrissant.
Se tournant sur le dos, Cyradis s’étira, laissant le drap glisser entièrement au bas de sa couche, découvrant une fine et courte "robe de nuit" sombre qui épousait ses jolies courbes de jeune fille.
Elle se résigna à se lever, s’approcha de son point de vue favori et lança un œil au dehors, observant la Nature encore endormie, embrumée et couverte de rosée.
Elle adressa une prière à Freyja ayant pour envie de bien commencer sa journée. A peine cela fait, elle reprit sa place près de l’ouverture qui laissait une si féerique vue. Cyradis ne manqua pas de replonger dans ses rêveries, une fois de plus. Mais elle fut soudainement troublée par un bruit léger sur la porte de la chambre de la Haute Initiée.
Elle vint ouvrir et trouva deux jeunes novices. L’une d’elle tenait un plateau chargé de victuailles. Elle les remercia avec douceur mais refusa poliment la collation. Cyradis n’aimait pas se restaurer de si bon matin, elle prendrait un léger encas plus tard dans la matinée.
La demoiselle se retrouva seule et s’habilla d’une longue robe noire ou bleue, c’était difficile à dire. Ses mains vinrent attraper une brosse qu’elle fit glisser sur ses cheveux foncés. Cyradis s’observa quelques instants dans un miroir fait de cuivre poli. Ajustant sa robe sans manche, elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille. Ouvrant un coffret en bois gravé du symbole de l’ordre et de quelques scènes de la mythologie, ses mains saisirent son collier qu’elle attacha par un mouvement habile, si souvent répété.
Prête à déserter son "nid", elle ne manqua pas d’offrir une caresse distraite à Meyrleiki qui fit mine de jouer avec les doigts fins de la jeune fille, le chat finirait bien par la retrouver, plus tard dans la journée.
Cyradis quitta sa chambre afin de rejoindre le Temple.
***
Une heure et demie plus tard
Cinquième Jour
Huitième Semaine
An 835
Elle pénétra discrètement dans le Temple, sa démarche légère et silencieuse ne trahissait pas sa présence, seules quelques personnes la surprenaient et lui offraient un petit sourire. Le Temple accueillait toujours autant de fidèles, même de si bon matin. Quelques guerriers, un bon nombre de guerrières. Les femmes du Temple s'activaient déjà sans jamais briser la quiétude du sanctuaire de Freyja.
Dans le Temple, seuls quelques bruits de pas, de souffle, résonnaient. Ici, Cyradis se sentait chez elle, en communion avec sa Déesse. Les odeurs, la lumière qui entrait et donnait une véritable atmosphère sacrée à ce lieu qu’elle chérissait plus que tout, tant de choses qui lui donnaient une impression de sécurité.
Les funérailles de la reine auraient lieu le lendemain… Cyradis passa près de la bière ou la reine reposait. Son visage semblait si serein… Elle était étendue, les traits détendus, si gracieuse… Digne de leur Déesse. Bientôt, une autre prendrait la place de reine. Eternel recommencement.
Une Initiée vint la saluer brièvement, dans un souffle doux et caractéristique de ces lieux semblables à des cocons. Cyradis gardait pourtant une expression fermée, presque fade. Après quelques mots échangés, elle détourna un peu la tête, sa main vint trouver son pendentif. C'était une manie qu'elle avait de manifester son envie de se retrouver seule. Ou plutôt, de retrouver celle à qui elle confiait tout, celle qu'elle vénérait, sa Déesse. La seule qui pouvait se féliciter d'arracher parfois un sourire à la haute Initiée.
Cyradis trouva un coin à l’écart, prit ses aises et adressa de longues prières à Freyja, comme une discussion passionnante et enrichissante. Ses traits étaient détendus, ses yeux fermés pour plus de concentration sur ses sentiments et ses pensées. Tous les sons, toutes les respiration, tout s’effaçaient lorsqu’elle était ainsi. Une seule chose aurait pu la couper, l’arrivée d’une personne réclamant son attention. Même si certaines personnes seraient accueillies le plus froidement du monde, Cyradis savait qu’elle serait heureuse de voir une demoiselle en particulier.